PubliĂ© le 12/07/2010 Ă 1210 Dans le Gers, l'engouement pour la culture et la danse country va au-delĂ du grand rendez-vous donnĂ© par le festival de Mirande. Toute l'annĂ©e, les clubs du dĂ©partement font partager leur plaisir pour la danse en ligne. La Line dance academy » de Mirande a fait des petits. Forte de 35 clubs sur plusieurs dĂ©partements du Grand Sud, elle regroupe 1 200 adhĂ©rents, soit une centaine d'Ă©lĂšves de plus que l'an dernier. La moitiĂ© des sections sont dans le Gers seize au total, sans compter les indĂ©pendants. Les crĂ©ations sont loin de s'essouffler Ă Labrihe, un cours de danse en ligne a vu le jour il y a six mois et Simorre aura son club dĂšs septembre prochain. La majoritĂ© de ces passionnĂ©s affirment avoir dĂ©couvert la danse country au Festival de Mirande. Je suis venue en simple visiteur au stade et Ă cĂŽtĂ© de la dĂ©monstration de line dance il y avait la liste des clubs. J'ai vu qu'on donnait des cours juste Ă cĂŽtĂ© de chez moi », explique Karine, qui entame sa troisiĂšme annĂ©e de danse Ă Seissan. Une fois les projecteurs de Mirande Ă©teints, les danseurs s'adonnent Ă leur passion tout au long de l'annĂ©e. Chaque club affiliĂ© Ă l'acadĂ©mie organise un bal par an. Histoire d'inviter et de rencontrer les autres line dancers », histoire de pratiquer en public la danse western. AprĂšs seulement six mois d'existence, le club A Labrihe de la country » fait des dĂ©monstrations tous les week-ends dans les villages alentours. ConvivialitĂ© », c'est le mot qui rĂ©sume le mieux cette danse amĂ©ricaine, selon les Ă©lĂšves gersois. Il y a moins de compĂ©tition et de moquerie que dans les danses de salon », confie JoĂ«l Cormery, fondateur du club de Simorre. Au dĂ©part Ă©lĂšve Ă Mirande puis Ă Endoufielle, il suit une formation pour devenir animateur professeur bĂ©nĂ©vole Ă cĂŽtĂ© de son travail. Et puis, on n'est pas obligĂ©s de s'habiller de maniĂšre spĂ©cifique avec santiags et chapeau Stetson. C'est au goĂ»t de chacun », prĂ©cise-t-il. Les cours ont tellement la cote que les Ă©lĂšves peuvent faire jusqu'Ă 40 km en moyenne pour assister Ă un cours. D'autres participent Ă plusieurs cours diffĂ©rents. Pauvres en cow-boys, les clubs de line dance du Gers sont essentiellement frĂ©quentĂ©s par des femmes. Peu d'hommes aiment danser et l'avantage de la danse country c'est que l'on n'a pas besoin de partenaire », explique France LiĂ©nard, trĂ©soriĂšre et animatrice Ă Ordan-Larroque. En revanche, la discipline attire les plus jeunes. DĂ©jĂ trĂšs populaires auprĂšs des 40-50 ans, les clubs accueillent aussi des enfants de plus en plus jeunes. A Seissan, sur les cinq danseurs masculins, deux adolescents s'essaient Ă la danse en ligne. Au bout de quelques mois d'entraĂźnement, les rĂ©sultats sont visibles. Cependant, mĂȘme avec autant de pratique, les danseurs prĂ©fĂšrent venir danser incognito » au festival de Mirande. D'autres, comme JoĂ«l Cormery, se prĂ©parent en vue du concours de danse. 6 jours de musique country Festival de country music Ă Mirande, du mardi 13 au dimanche 18 juillet. 80 concerts sur 6 jours. Grande scĂšne ouverture dans le stade dĂšs 18 heures. Concours de danse honky tonk le 16 tous les jours pour les dĂ©butants et les danseurs au 0892 68 30 32 ou surLegroupe Ă pour objectif de rĂ©unir des passionnĂ©s de danse et des organisateurs dâĂ©vĂ©nements, pour partager le plaisir dâĂȘtre ensemble Ă travers des
1Quâest-ce quâune chorĂ©graphie ? Câest un ensemble de mouvements corporels qui possĂšde un nexus, câest-Ă -dire une logique de mouvement, propre. Si lâon se rĂ©fĂšre spĂ©cifiquement Ă la danse, il faut ajouter Un ensemble conçu ou imaginĂ© de certains mouvements dĂ©libĂ©rĂ©s⊠» Sâil sâagit dâune chorĂ©graphie improvisĂ©e, lâexigence du nexus se maintient, mĂȘme si lâon abandonne partiellement lâidĂ©e de la prĂ©conception et le caractĂšre volontaire des mouvements. Comme dans toute dĂ©finition dans le champ de lâart, celle de la chorĂ©graphie pose immĂ©diatement de multiples problĂšmes il semble pourtant que, dans tous les cas qui se prĂ©sentent notamment dans la danse contemporaine, il nây ait pas de chorĂ©graphie sans un nexus. Le nexus 2Quâest-ce, alors, quâun nexus de mouvements dansĂ©s ? Il nâest dictĂ© ni par sa finalitĂ© ni par son expressivitĂ©. Prenons Ă la lettre ces mots de Merce Cunningham Si un danseur danse â ce qui nâest pas la mĂȘme chose que dâavoir des thĂ©ories sur la danse ou sur le dĂ©sir de danser ou sur les essais quâon fait pour danser ou sur les souvenirs laissĂ©s dans le corps par la danse de quelquâun dâautre â, mais si un danseur danse, tout est dĂ©jĂ lĂ . Le sens est lĂ , si câest ce que vous voulez. Câest comme cet appartement oĂč je vis â je regarde tout autour de moi, le matin, et je me demande, quâest-ce que tout cela signifie ? Cela signifie ça, câest lĂ oĂč je vis. Quand je danse, cela signifie ça, câest ce que je suis en train de faire. Une chose qui est juste cette chose-là » Cunningham 1952 97. 3Il serait donc vain de dĂ©crire le mouvement dansĂ© en voulant saisir tout son sens. Comme si son nexus pouvait ĂȘtre traduit entiĂšrement sur le plan du langage et de la pensĂ©e exprimĂ©e par des mots. Il nous reste donc deux possibilitĂ©s ou bien ne pas prĂ©tendre tout dire de ce nexus â non parce quâil renfermerait quelque noyau de sens ineffable, mais parce quâil se dit autrement que par le langage ; ou bien faire du constat cunninghamien que le sens de la danse est dans lâacte mĂȘme de danser le point de dĂ©part dâune approche de la danse au plus prĂšs des gestes concrets du danseur. Non pas en cherchant Ă en extraire le sens, mais en Ă©pousant le plus Ă©troitement possible le mouvement du geste corporel. 4Que se passe-t-il dans le corps lorsquâil se met Ă danser ? Comment le danseur-chorĂ©graphe construit-il le nexus de ses mouvements dansĂ©s ? 5Dans une interview, Cunningham rĂ©pondait Ă la question Quelle est la source the origins des formes et des mouvements que vous trouvez pour vos danseurs ? » en expliquant quâil ne les concevait pas dâavance, mais toujours en expĂ©rimentant les mouvements pratiquement. Et de fait, dans un enregistrement filmĂ© des annĂ©es 70, on le voit dans son studio assis sur une chaise, immobile, semblant se concentrer, puis soudain se lever, faire trois pas, se jeter par terre, les bras et les jambes placĂ©s dâune certaine façon, et soudain sâimmobiliser ; se relever, revenir Ă la chaise ; refaire la mĂȘme sĂ©quence de mouvements, cette fois en plaçant les membres diffĂ©remment. La sĂ©quence se rĂ©pĂšte jusquâĂ ce que Cunningham dĂ©veloppe une nouvelle sĂ©quence Ă partir de la premiĂšre dont les mouvements sont fixĂ©s. Comme il dit Ma chorĂ©graphie fait partie dâun processus de travail a working process. Ăa ne se fait pas toujours nĂ©cessairement avec la compagnie. Ăa peut ĂȘtre moi, tout seul. Mais câest un processus de travail. Je commence, dans le studio, en essayant quelque chose. Si ça ne marche pas pour une raison quelconque, ou si ça nâest, pour moi, physiquement pas possible de le faire, jâessaie autre chose [âŠ]. Comme vous voyez, je mâintĂ©resse Ă lâexpĂ©rimentation avec des mouvements » Cunningham 1951 55. 6Quâest-ce quâexpĂ©rimenter, essayer » ? Câest arriver Ă un point de coordinations physiques » tel que lâ Ă©nergie » passe naturellement » Cunningham 1952. Il sâagit de flux de mouvements plutĂŽt que de formes ou de figures comme dans le ballet. En essayant une sĂ©quence de mouvements et en vĂ©rifiant que lâĂ©nergie passe, le danseur se trouve devant de multiples possibilitĂ©s dâautres mouvements. Il essaie Ă nouveau, et il choisit, et ainsi de suite, crĂ©ant un flux dâĂ©nergie. Les formes se composent au fur et Ă mesure, et pĂšsent sans doute sur le choix des sĂ©quences ; mais elles ne sont pas dĂ©terminantes, au contraire, elles dĂ©pendent du destin que le danseur veut donner Ă lâĂ©nergie, crĂ©ant des foyers intensifs ou attĂ©nuant son Ă©lan, accĂ©lĂ©rant la vitesse, modulant la force du mouvement. Chez Cunningham en tout cas, la crĂ©ation de formes obĂ©it Ă la logique de lâĂ©nergie loin de constituer des fins en soi construire de belles figures », les formes sont des sortes dâ embrayeurs » du flux de mouvements. 7Il ne faut cependant pas croire que les chorĂ©graphies de Cunningham supposent toutes un continuum de mouvement qui rĂ©sulterait dâexpĂ©rimentations successives Jâai fait des danses qui utilisent diffĂ©rentes continuitĂ©s de composition. Par exemple, actuellement je fais rarement une danse oĂč je commence au dĂ©but et je continue toujours, jusquâĂ la fin. Il est plus probable que je fasse une sĂ©rie de choses, des sĂ©quences courtes, des passages longs, oĂč je mâimplique tout seul, ou peut-ĂȘtre avec un autre ou dâautres danseurs, parfois avec toute la compagnie. Alors, employant le hasard ou dâautres mĂ©thodes, je prends une dĂ©cision sur lâordre [des sĂ©quences]. Je ne peux donc pas avoir une idĂ©e particuliĂšre qui commencerait ici et qui se prolongerait lĂ , que quelquâun pourrait apprĂ©hender de cette façon-lĂ . Pourtant, aprĂšs quâon danse une piĂšce pendant un temps, mĂȘme si elle a pu paraĂźtre Ă©trange au dĂ©but, elle finit par porter en elle sa propre continuitĂ©. Câest comme si on entrait dans une maison Ă©trange et quâon devait suivre des trajets non connus. AprĂšs un certain temps, les trajets ne sont plus Ă©tranges » Cunningham 1951 55-56. 8Cunningham construit ses chorĂ©graphies comme des patchworks, avec des bouts de mouvements venus de sources diverses et hĂ©tĂ©rogĂšnes. Comment tout cela acquiert-il un nexus ? 9Câest un vieux problĂšme que les ready-made de Duchamp soulevaient dĂ©jĂ â et on connaĂźt lâinfluence de Duchamp sur Cunningham Banes & Carroll 1994 comment un objet insolite, non artistique, devient-il, au bout dâun certain temps dâ habituation », lâĂ©quivalent dâun objet dâart ? Ou encore comment une inscription sur un objet un peigne, par exemple, avec lequel elle nâa aucun rapport, peut-elle Ă la longue ĂȘtre perçue comme en faisant partie ? Les sĂ©ries 10Lorsquâil sâagit du corps, et en particulier de la danse, le fait est encore plus surprenant. Des sĂ©ries diffĂ©rentes ou divergentes de gestes accomplis par le mĂȘme corps dans un temps unique finissent par sâintĂ©grer » ; de mĂȘme pour des sĂ©ries de mouvements et de notes musicales ou mĂȘme du bruit ; ou encore pour tout objet Ă©tranger aux gestes, introduit par hasard au milieu dâune sĂ©quence dansĂ©e aprĂšs un certain temps, on obtient toujours une continuitĂ© de sĂ©ries hĂ©tĂ©rogĂšnes. Câest ce qui arrive dans beaucoup de chorĂ©graphies contemporaines dans le théùtre-danse, par exemple sĂ©rie de mouvements corporels et sĂ©rie de paroles ; sĂ©rie dâespaces ou dâobjets sans rapport avec les sĂ©ries de gestes ; ou dans les danses rituelles ou thĂ©rapeutiques des sociĂ©tĂ©s exotiques. 11Faut-il croire que le corps a un tel pouvoir intĂ©grateur, ou assimilateur, quâil transforme tout ce qui lâapproche dans lâespace et dans le temps en un tout homogĂšne et unifiĂ©, câest-Ă -dire organique ? Autrement dit, le nexus de la danse tiendrait au nexus du corps comme organisme, ou comme structure fabrica, comme on disait au xvie siĂšcle. 12Que signifie ici intĂ©grer » ? Non pas que les sĂ©ries, divergentes au dĂ©part, cessent de lâĂȘtre pour converger vers une mĂȘme fin ; car les paroles du danseur qui nâont aucun lien avec les mouvements quâil exĂ©cute conservent leur sens et leur Ă©trangetĂ© propres. Les sĂ©ries continuent de diverger. 13La convergence ne se produit donc pas ; au contraire, et paradoxalement, la divergence des sĂ©ries va en sâaccentuant ou, plutĂŽt, elles gagnent une autonomie et une intensitĂ© accrues. Le moment oĂč surgit ce que Duchamp appelait lâ habituation », et que Cunningham nommait points structuraux » points de rencontre dâune sĂ©rie de sons qui diverge dâune sĂ©rie de gestes dansĂ©s, câest lâinstant oĂč une sĂ©rie accroche lâautre. Accrocher » veut dire se combiner, sâagencer. Loin de former une totalitĂ© organique plus vaste la chorĂ©graphie Ă©tant la totalitĂ© de toutes les totalitĂ©s, les sĂ©ries, dâabord entiĂšrement indĂ©pendantes et indiffĂ©rentes lâune Ă lâautre, entrent en contact et se connectent en certains points singuliers. Ne convergeant pas pour autant, elles se croisent. Et, Ă partir de ce moment et de ces points de contact, elles diffĂšrent encore plus. Comme dirait Deleuze, qui a longuement Ă©tudiĂ© la divergence des sĂ©ries Deleuze 1969 et 1996, elles vont en se diffĂ©renciant ». 14Les points de contact ou de croisement constituent des foyers dâintensification des sĂ©ries. Intensification interne des Ă©carts tensions entre deux gestes qui se succĂšdent ; intensification des divergences entre la sĂ©rie des gestes et lâautre des notes musicales, des paroles, des objets, des gestes non dansĂ©s. 15Du contact naĂźt la connexion, lâagencement. Si on a lâimpression que dĂ©sormais les deux sĂ©ries forment un tout, câest parce quâelles entrent dans une mĂȘme continuitĂ© de fond que compose le rythme mĂȘme de la divergence qui les sĂ©pare ; et qui sâest intensifiĂ©e, autonomisant davantage chaque sĂ©rie. 16Supposons un solo le danseur exĂ©cute une sĂ©rie de gestes ; soudain il se met Ă parler dâune histoire qui nâa apparemment rien Ă voir avec ses mouvements on pourrait prendre comme exemple la piĂšce de Steve Paxton, Ash, 1999. Le regard du spectateur vacille, sa comprĂ©hension des gestes et des paroles sâeffondre. Puis, Ă partir dâun certain moment, tout se remet en place ça fonctionne ». Quâest-ce qui fonctionne ? Le mouvement des gestes et des paroles qui ne rĂ©sulte pas de lâagencement des uns et des autres dans une double chaĂźne qui sâenroulerait sur elle-mĂȘme, les mots ou les phrases ne se connectant pas un Ă un avec les mouvements ou les sĂ©quences de mouvements. Lâagencement sâest opĂ©rĂ© Ă tel point de contact qui a un effet de rĂ©sonance sur les deux sĂ©ries, effet qui appartient dĂ©sormais aux mouvements mĂȘmes des sĂ©ries. On dit les mots sont entrĂ©s dans la danse ». Ainsi se forme la continuitĂ© de fond qui assure la connexion paradoxale des sĂ©ries divergentes. 17Car il est vrai que nous continuons de voir et dâentendre les gestes et les paroles dans des sĂ©ries sĂ©parĂ©es, en constatant leur divergence de plus en plus nette. Mais cette diffĂ©rence sâaccentue toujours davantage parce que le rythme du mouvement dansĂ© se rapporte au rythme du flux de paroles comme ce qui fait ressortir la singularitĂ© de lâautre sĂ©rie. DâoĂč une continuitĂ© des Ă©carts ou des diffĂ©rences entre les sĂ©ries. Le rythme assure les Ă©carts dans la continuitĂ©, permettant le mouvement de diffĂ©renciation sans rupture, modulant le temps, la vitesse, la distance interne aux intervalles, sans dĂ©truire la ligne de flux de lâĂ©nergie. 18VoilĂ qui fait le nexus dâun ensemble de mouvements hĂ©tĂ©rogĂšnes. On pourrait dĂ©crire de façon identique la chorĂ©graphie de certains rituels thĂ©rapeutiques, comme ceux dĂ©crits par Victor Turner chez les Ndembu dâAfrique sĂ©ries divergentes qui se croisent au point de contact du sacrifice. 19Le nexus chorĂ©graphique implique une continuitĂ© de fond de la circulation de lâĂ©nergie, mĂȘme si, en surface, des sĂ©ries se heurtent, ou se sĂ©parent, ou se brisent. En fait, une chorĂ©graphie comporte de multiples strates de temps et dâespace. La continuitĂ© de fond, en tant que strate dâagencement de toutes les strates, garantit le nexus, la logique propre de la composition de tous les mouvements. La quasi-articulationdu corps 20Parce que, comme dit Cunningham, une danse est une chose qui est juste cette chose-là », quelque chose du nexus de lâĆuvre nous Ă©chappe encore ; quelque chose qui Ă©chappe au langage parce que la danse nâest pas un langage. 21Francis Sparshott 1995 253 donne dix-huit raisons pour refuser Ă la danse le 22statut dâun langage. Il suffit dâen Ă©voquer une, dĂ©cisive il est impossible de dĂ©couper, dans les mouvements du corps, des unitĂ©s discrĂštes comparables aux phonĂšmes de la langue naturelle. Quelle que soit la façon dont on dĂ©coupera la masse des mouvements corporels par plans, par volumes, par traits-signes â comme dans la notation Laban 1, on se heurtera toujours Ă un fait irrĂ©ductible le glissement ou le chevauchement des unitĂ©s dĂ©coupĂ©es les unes sur les autres empĂȘche quâon trace une frontiĂšre nette entre deux mouvements corporels qui sâarticulent ». 23Ce chevauchement, qui tient essentiellement Ă ce que les articulations du squelette engagent des muscles et des tendons dont le mouvement engage, Ă son tour, dâautres os que ceux censĂ©s se mouvoir, rend impossible cette premiĂšre articulation » nĂ©cessaire Ă la formation du langage. Il nây a pas de gestĂšmes » comparables aux phonĂšmes. DâoĂč lâinexistence dâune double articulation » dâun langage du corps, Ă la maniĂšre de celle du langage parlĂ©. 24Une autre raison me semble importante la fonction dâexpression des mouvements du corps est beaucoup plus riche que celle du langage articulĂ© qui dĂ©pend, en grande partie, de la fonction de communication du sens verbal. Câest que le sens, dans lâexpressivitĂ© corporelle, ne dĂ©rive pas dâabord de lâarticulation des systĂšmes anatomiques du corps propre. Son surgissement Ă la surface du corps ne dĂ©pend pas exclusivement du mouvement mĂ©canique des membres et du torse. Tout un autre ensemble de mouvements dâautres types contribue Ă lâexpression du sens par exemple, ceux qui font la qualitĂ© de prĂ©sence » de tel danseur, ou la fluiditĂ© » de son Ă©nergie, etc. Câest que le corps du danseur nâest pas que le corps physique de la mĂ©decine ou que le corps propre de la phĂ©nomĂ©nologie. 25Il peut se remplir de sens ou devenir exsangue, absent, vide comme les corps des psychotiques, du moins partiellement. Mais, mĂȘme en ce dernier cas, il ne cesse pas totalement dâĂȘtre expressif. De toute façon, quâon le veuille ou non, tout mouvement du corps est de lui-mĂȘme expressif », affirme Cunningham. 26Il convient de distinguer, ici, entre les mouvements du corps dans ses fonctions habituelles, individuelles et sociales â comme le fait de marcher ou dâaccomplir une tĂąche avec des outils â, et les mouvements dansĂ©s. Car, si lâon refuse aisĂ©ment aux mouvements fonctionnels le terme de langage », on hĂ©site Ă ne pas lâappliquer Ă la danse oĂč, moins que dans dâautres arts, il prendrait une signification mĂ©taphorique. Le corps parlerait vraiment » dans la danse. 27Cela tiendrait au fait que lâexpressivitĂ© corporelle y serait Ă©levĂ©e Ă un dernier degrĂ©, si bien que le corps du danseur se trouverait parfois saturĂ© » de sens. Bref, si le corps est de toute façon expressif, il le serait beaucoup plus quand il danse. 28Cunningham se rĂ©fĂ©rait au mouvement naturel, spontanĂ© », autant quâau mouvement dansĂ©. Cependant, la diffĂ©rence entre les deux est de nature, plus que de degrĂ© dans lâexpressivitĂ©. Si les danseurs arrivent Ă saturer leur corps de sens, alors que les mouvements fonctionnels ou utilitaires nâexpriment que des significations prĂ©cises, pauvres ou isolĂ©es, cela viendrait de ce que la danse dit un monde » ; et le geste de nettoyer une vitre, sâil nâest pas dansĂ©, ne dit quâune fonction. 29Si le sens vient au corps mais pas grĂące Ă une double articulation de ses mouvements, comment le danseur parvient-il, comme dans certains cas, Ă saturer son corps de sens ? 30ConsidĂ©rons dâabord le corps trivial » habituel expression prĂ©fĂ©rable Ă celle de corps naturel », entitĂ© fictive. Dans ce corps, lâempiĂštement des mouvements ne conduit pas Ă leur confusion ; au contraire, lâĂ©ducation du corps des enfants comporte des phases de plus en plus complexes de contrĂŽle moteur, visant lâadaptation des mouvements Ă la vie sociale la confusion dans le chevauchement aboutirait Ă lâimpuissance motrice dans une sorte dâamalgame de sens exprimĂ©s dans une soupe gĂ©nĂ©rale expressive â cas, parfois, de lâautisme, de certains corps psychotiques, des enfants-loups. 31Le corps ordinaire exprime un sens, bien que ce ne soit pas au moyen dâun langage. Car, si sa constitution anatomique ne permet pas la formation dâun langage avec une double articulation dâunitĂ©s discrĂštes, le corps nâen est pas moins articulĂ©. Ou plutĂŽt, comme il nâarrive pas Ă ĂȘtre tout Ă fait articulĂ©, on dira que ses mouvements relĂšvent dâune quasi-articulation. 32Câest cette quasi-articulation qui assure sa mobilitĂ©, son opĂ©rativitĂ©, son intĂ©gration dans lâespace, lâempĂȘchant de tomber dans lâimmobilitĂ© amorphe ou dans lâinexpressivitĂ© du pur objet. 33Comment fonctionne la quasi-articulation du corps ? 34Dâabord, ce qui sâarticule dans le corps, ce ne sont donc pas des unitĂ©s de mouvement, mais des zones entiĂšres de lâespace. Or, ces zones nâont pas de frontiĂšres prĂ©cises, empiĂ©tant les unes sur les autres ou sâemboĂźtant les unes dans les autres. La zone gauche du corps empiĂšte sur lâavant et sur lâarriĂšre. Lâespace dâun mouvement de la main sâemboĂźte dans lâespace des mouvements possibles du bras, lequel est recouvert Ă son tour par lâespace des mouvements de lâavant-bras. Ces zones ne sâarticulent pas vraiment puisque, Ă partir dâun certain point, le mouvement dâarticulation dâune zone entraĂźne avec lui une partie dâune autre zone. Câest une quasi-articulation du corps. 35Ensuite, on voit que les mouvements dĂ©pendent des limitations anatomiques constitutives du corps. Il y a des mouvements que lâhomme ne peut pas faire, comme tourner la tĂȘte de 360 degrĂ©s. Ces limitations imposent un cadre quasi syntactique », dĂ©terminant un certain type de gestes et de sĂ©quences, tout en empĂȘchant dâautres, mais toujours selon des rĂšgles qui comportent une large marge dâindĂ©termination. Nâimporte quel ensemble de gestes formĂ©s, nâimporte quel syntagme » gestuel flotte dans une zone imprĂ©cise, sans contours nets, qui accueille de multiples autres sĂ©quences possibles. Faire un pas en avant » obĂ©it Ă une rĂšgle syntactique qui dispose le corps et ses membres apparemment dâune seule façon ; Ă y regarder de plus prĂšs, on dĂ©couvre dâinfinies façons de placer les parties du corps afin de faire un pas en avant â mais toujours Ă lâintĂ©rieur dâun cadre limitatif dont lâune des contraintes est dâavancer une jambe. 36Il sâagit donc dâune zone de mouvements corporels, Ă la fois prĂ©cise et aux contours indĂ©finis, qui correspond Ă une signification gĂ©nĂ©rale du geste, oĂč ce dernier se forme suivant une rĂšgle quasi syntactique » et non syntactique » parce quâil y a chevauchement de zones, effacement de frontiĂšres de mouvements et de sens. On parlera dâune rĂšgle quasi syntactique » de formation du geste. Ceux-ci Ă©tant toujours singuliers, mais sâinscrivant dans une marge dâindĂ©termination, une zone de sens gĂ©nĂ©ral verbal, chaque syntagme » gestuel comporte simultanĂ©ment un sens unique et un sens commun Ă dâautres gestes câest un quasi-syntagme. 37Le sens du geste nâest pas Ă©quivoque, au contraire, il est mĂȘme entiĂšrement univoque et singulier. Sa singularitĂ© vient de ce quâil occupe dans lâespace une position unique, microlocale, de par le fait quâelle rĂ©sulte prĂ©cisĂ©ment des chevauchements de zones gĂ©nĂ©rales » ainsi dĂ©signĂ©es par le langage. LâunicitĂ© du geste Ă©pouserait alors son sens le geste deviendrait le sens incarnĂ© â câest ce que va rĂ©ussir la danse. La surarticulation 38On constate que les mouvements du corps ordinaire sâinscrivent Ă lâintĂ©rieur dâune large bande comprise entre une tendance vers le signe pur lâ articulation » des gestes, et une tendance vers lâincarnation du sens dans le geste singulier, irrĂ©ductible Ă un code. Dans les deux cas, le chevauchement persiste entre signe et sens, entre signifiant » et signifiĂ© » pour codifiĂ© que soit tel geste pointer de lâindex, la rĂ©vĂ©rence dans le ballet classique, le mudra dans la danse indienne, il ne se dĂ©tachera jamais complĂštement du reste du corps. Il dira donc ce que le code lui a assignĂ© comme sens, mais aussi ce que son attachement au corps implique comme sens incorporĂ© » la main reste une main avec toutes ses virtualitĂ©s de mouvement, au-delĂ du fait quâelle fait fonction de signe ; et de mĂȘme pour le torse, dans la rĂ©vĂ©rence. Dâautre part, le geste singulier qui incarne le sens ne cesse jamais dâĂȘtre une unitĂ© quasi sĂ©parable, un quasi-signe, dans la mesure oĂč il appartient Ă un corps quasi articulĂ©. 39Bref, câest Ă partir de ces deux tendances ou possibilitĂ©s de la quasi-articulation du corps ordinaire que lâon pourra le tirer soit du cĂŽtĂ© de la fonctionnalitĂ©, soit du cĂŽtĂ© de lâincarnation du sens dans le mouvement immanent de la danse. 40Enfin, si lâon considĂšre le geste dansĂ©, cette quasi-articulation des zones du corps et lâempiĂštement de mouvements quâelle implique conduisent Ă une sorte de surfragmentation des gestes. Cela fait quâun mouvement quelconque du bras, par exemple, se dĂ©compose dans une infinitĂ© de mouvements microscopiques seul lâarrĂȘt sur image donne un plan statique dâun geste un et indivisible. A une Ă©chelle minime, chaque partie du bras, de la peau, de la chair constitue une unitĂ© instable, en mouvement, qui se compose dâautres unitĂ©s encore plus petites. Comment le mouvement de la danse rĂ©ussit-il cette surfragmentation Ă partir de la quasi-articulation du geste ordinaire ? 41Dans la vie commune, soumise Ă de multiples systĂšmes de codification des gestes, la tendance Ă rabattre la quasi-articulation sur le signe verbal prĂ©vaut sur la deuxiĂšme tendance, qui va dans le sens opposĂ©. Les gestes deviennent tout Ă fait transparents, traduisibles dans des significations gĂ©nĂ©rales. Le corps exprime alors le langage articulĂ©, ses mouvements finalisĂ©s parlent la langue claire des fonctions sociales. Le langage » du corps ne diffĂšre guĂšre de ce quâen dit le discours des impĂ©ratifs de tout genre qui moulent ses mouvements. 42La tendance Ă la singularitĂ© des gestes est absorbĂ©e par cette discipline du corps. Le non-verbal, qui correspond ici au microscopique et Ă la singularitĂ©, est rĂ©duit, appauvri, voire effacĂ© au bĂ©nĂ©fice des gestes fonctionnels macroscopiques et gĂ©nĂ©raux. Par exemple, lâexpressivitĂ© corporelle dâun professeur est happĂ©e par les gestes larges qui accompagnent ses messages verbaux â parce que toute sa fonction dâenseignant est codĂ©e au moyen du langage. 43Mieux sous lâeffacement de la tendance Ă la singularitĂ© de la quasi-articulation du corps perce parfois ce qui le sous-tend, le fantasme du corps informe, du monstre, du corps fou, sauvage et violent ; le fantasme du viscĂ©ral, du corps sale ou du corps mortifĂšre Ă©pidĂ©mique. Ces fantasmes constituent lâarriĂšre-fond innommable quâil faut contrĂŽler ou Ă©liminer si lâon tient Ă avoir des corps fonctionnels. 44Comment la danse transforme-t-elle le corps ordinaire ? Tire-t-elle sa quasi-articulation du cĂŽtĂ© du signe et du langage verbal, ou du cĂŽtĂ© du corps singulier, incodable, non sĂ©miotisable ? 45En fait, la danse Ă©chappe Ă cette pseudo-antinomie. Car, dâabord, elle met en mouvement. Cependant, cette mise en mouvement du corps ne part pas de zĂ©ro, dâune immobilitĂ© ou dâun repos absolus. La danse met le corps en mouvement parce que le corps est dĂ©jĂ en mouvement mouvement des organes, mouvement tensionnel qui le tient en vie, mouvement du cerveau et des pensĂ©es, mouvement dans lâĂ©quilibre de la position debout, qui fait la small dance de Steve Paxton. Dâune façon gĂ©nĂ©rale, il nây a pas une seule posi-tion du corps qui soit statique. Le corps bouge toujours imperceptiblement parce quâil est toujours en Ă©quilibre tensionnel. 46Cela signifie, par exemple, que debout » ne dĂ©signe pas une position arrĂȘtĂ©e dans lâespace, mais implique une infinitĂ© de positions millimĂ©triques, invisibles Ă lâĆil nu, qui tournent autour dâune sorte dâaxe ou de position jamais rĂ©alisĂ©e. 47Câest le chevauchement des mouvements et la quasi-articulation du corps qui expliquent cette multiplication du geste. Car lâĂ©quilibre producteur de mouvement Ă©quilibre mĂ©tastable sâappuie sur le chevauchement, crĂ©ateur de tension et dâinstabilitĂ©s microscopiques. 48Or, lâautomultiplication du geste â le fait quâun geste sâavĂšre, Ă Ă©chelle microscopique, ĂȘtre constituĂ© dâune multiplicitĂ© de gestes â implique sa surfragmentation, comme il est Ă©vident. Le mouvement incessant dâun geste autour dâun axe virtuel non seulement crĂ©e une infinitĂ© dâautres gestes, mais un continuum de microgestes tel quâune partie minime dâun geste se compose avec une autre dâun autre geste â par chevauchement ou glissement des mouvements les uns sur les autres â, si bien que tous les microgestes qui forment le geste divisent ce dernier en mille micro-unitĂ©s⊠49Bref, non seulement le chevauchement suppose que chaque geste macroscopique entraĂźne avec lui des fragments dâautres gestes qui contiennent dâautres fragments dâautres gestes encore, mais le type dâĂ©quilibre propre du geste dansĂ© fragmente le mouvement dans de multiples sĂ©quences microscopiques. Par exemple, jâouvre la bouche en dansant dans cette sĂ©quence de mouvements se trouvent concentrĂ©s de multiples fragments dâautres sĂ©quences non encore dĂ©terminĂ©es ouvrir la bouche pour crier, manger, parler, chanter, etc. ; mais cette sĂ©quence elle-mĂȘme se tient en mouvement incessant, de par son Ă©quilibre tensionnel ou mĂ©tastable, se fragmentant et se divisant, amplifiant sa quasi-articulation. 50Autrement dit, la surfragmentation Ă©quivaut Ă une surarticulation. La quasi-articulation, qui, dans la vie ordinaire du corps, est tirĂ©e du cĂŽtĂ© du signe et de lâarticulation du langage verbal â en fait mutilant, tronquant le mouvement mĂȘme de quasi-articulation qui fait toute la plasticitĂ© du corps â, gagne dans le mouvement dansĂ© une ampleur qui la surarticule, au-delĂ de ce que le systĂšme des articulations » du squelette et des muscles dĂ©termine comme leurs simples possibilitĂ©s, sur le plan des macromouvements. 51Or, dans ce mouvement de surfragmentation gestuelle ostensif, dans la technique Cunningham, ou dans les mouvements du butĂŽ, la tendance va vers lâabolition du geste comme signe il tend Ă incarner le sens. Câest le mouvement du sens que lâon voit maintenant dans le corps du danseur. Son geste est unique et saturĂ© de sens. Il ne rĂ©sulte pas de lâapplication dâune rĂšgle syntactique quasi-articulant des zones gestuelles qui indiquent des zones de sens, mais de lâĂ©mergence mĂȘme du sens. Le mouvement de ces micro-unitĂ©s dit immĂ©diatement le sens, comme sâil obĂ©issait Ă une grammaire sĂ©mantique propre, non verbale. 52Le mouvement dansĂ© conduit la quasi-articulation des zones larges de mouvement et de sens Ă la construction de sĂ©quences surarticulĂ©es immĂ©diatement sensĂ©es. Le corps dansĂ© devient un systĂšme oĂč la quasi-articulation syntactique se rĂ©sout en une grammaire sĂ©mantique. Cette grammaire a comme lexique des micro-unitĂ©s gestuelles indĂ©finies, et comme syntaxe des trajets dâĂ©nergie Deleuze dirait des cartes dâintensitĂ©s qui parcourent le corps du danseur. Lâimmanence du mouvement 53On comprend que Cunningham considĂšre tout mouvement du corps de lui-mĂȘme expressif. On comprend quâil ait voulu dĂ©multiplier les mouvements jusquâaux limites des possibilitĂ©s physiques du corps la surfragmentation des gestes ouvre des canaux au passage de lâĂ©nergie et facilite son Ă©coulement. On comprend donc quâil ait pu Ă©crire ceci La danse nâest pas Ă©motion, passion pour une femme, colĂšre contre un homme. Je crois quâelle est plus originaire primal que cela. Dans son essence, dans la nuditĂ© de son Ă©nergie, câest une source dâoĂč la passion ou la colĂšre peut naĂźtre sous telle forme particuliĂšre, la source dâĂ©nergie dâoĂč peut ĂȘtre canalisĂ©e lâĂ©nergie qui passe dans les divers comportements Ă©motionnels. Câest lâexposition Ă©clatante de cette Ă©nergie, câest-Ă -dire dâĂ©nergie Ă©levĂ©e Ă une intensitĂ© suffisante pour faire fondre lâacier chez quelques danseurs, qui procure la grande excitation. Ce nâest pas le sentiment de quelque chose, câest un coup de fouet sur lâesprit et le corps qui les engage dans une action si intense que, pendant le court moment concernĂ©, lâesprit et le corps ne font quâun » Cunningham 1952 56. 54Ce point de fusion » marque le mouvement de lâimmanence. La danse construit le plan de mouvement oĂč lâesprit et le corps ne font quâun » parce que le mouvement du sens Ă©pouse le sens mĂȘme du mouvement danser câest non pas signifier », symboliser » ou indiquer » des significations ou des choses, mais tracer le mouvement grĂące auquel tous ces sens prennent naissance. Dans le mouvement dansĂ©, le sens devient action. 55Mais comme le sens peut ĂȘtre dit de diffĂ©rentes façons, par la parole ou par lâimage, par la narrative ou par le geste pur, la danse a recours Ă ces multiples moyens, les intĂ©grant et les transformant en mouvement. Câest un autre aspect de lâimmanence. 56On comprend maintenant que Cunningham affirme que le sens de la danse est dans lâaction mĂȘme de danser et pas ailleurs, pas dans les thĂ©ories et les idĂ©es ou les sentiments. Câest que lâimmanence rĂ©alise le sens dans le mouvement des corps. VoilĂ qui donne le nexus Ă la chorĂ©graphie non pas la cohĂ©rence des mouvements selon un code, mais la construction dâun plan qui permette aux mouvements dansĂ©s dâatteindre ce point de fusion dont parle Cunningham. Alors, rien du sens nâĂ©chappe plus au langage, parce que le langage, le mouvement de son sens entrent dans le mouvement du sens de la danse. On ne pourra donc plus affirmer que ce qui fait le nexus de lâĆuvre est ineffable, parce quâil est lĂ , rĂ©alisĂ© dans lâimmanence du sens Ă la danse des corps. 57De mĂȘme, puisquâon est parti des sĂ©ries divergentes de Cunningham, on dira que câest aux points de contact des sĂ©ries points structuraux », selon lâexpression de Cunningham, par exemple dâune sĂ©rie musicale avec une sĂ©rie de mouvements dansĂ©s, que commence le tracĂ© du plan dâimmanence. A ces points dâintensification de lâĂ©nergie commence lâosmose de mouvement telle que les espaces musicaux deviennent des espaces corporels, des quarts de ton, des quarts de geste. Les notes deviennent des gestes et les gestes, des notes. Comment ? Dans le plan dâimmanence oĂč les mouvements du corps atteignent Ă lâintensitĂ©, oĂč geste et note ne font quâun. La fusion » ou osmose, grĂące Ă lâextrĂȘme intensification de lâĂ©nergie, fait fondre une forme » dans lâautre. Bref, le nexus des sĂ©ries divergentes est créé par lâimmanence du corps Ă la musique. Les notes sont des actions du corps, des vibrations des mouvements corporels. 58Comment le danseur construit-il son plan dâimmanence ? Disons quâil transforme la quasi-articulation en surarticulation du corps. La danse traduit la masse du sens incorporĂ© embodied et inarticulĂ© embedded dans des trajets intensifs, tout en dissolvant dans le mouvement ce qui apparaĂźt comme pure illustration kinĂ©sique du verbal. Elle change les paroles et les gestes articulĂ©s par le langage en sens agi par le mouvement. Alors, le quasi-articulĂ© du geste ordinaire devient sens se produisant et sâexprimant dans le mouvement. 59Il est aisĂ© de comprendre comment la surarticulation a prise sur la quasi-articulation afin de la traduire en micro-articulations agies par le passage de lâĂ©nergie. Comment, par exemple, on peut traduire un geste commun tel que celui de tourner Ă gauche » dans une sĂ©quence continue de microgestes formant un mouvement qui ne montre plus le virage Ă gauche dâun corps, mais nâen restitue que mieux, dans lâintensitĂ© propre de son Ă©nergie, la vĂ©ritĂ© du tourner Ă gauche » macroscopique dâoĂč lâon Ă©tait parti. 60Câest une question de traduction ou plutĂŽt de transduction de mots, de formes, dâimages et de pensĂ©es en mouvement. Câest ce que rĂ©ussit la danse. Lâimmanence quâelle crĂ©e se fonde sur ce mĂȘme empiĂštement des mouvements les uns sur les autres qui fait quâil nây a jamais de signe corporel complĂštement sĂ©parĂ© du corps, jamais de sens verbal paroles qui ne sâorigine dans des vibrations de la voix, que le lexique des mouvements corporels quel quâen soit le code ne se dĂ©tache pas de la grammaire la quasi-articulation intensive. Sâil est facile de faire entrer dans le mĂȘme plan de mouvement immanent le signe et le sens, câest que la danse, en transformant la quasi-articulation en surarticulation du corps, crĂ©e les conditions pour que sâopĂšrent toutes sortes de transductions de toutes sortes dâĂ©lĂ©ments en mouvement, grĂące Ă la modulation des intensitĂ©s qui traversent le plan. Le Contact-Improvisation 61Quâest-ce que le plan dâimmanence de la danse ? Câest un plan de mouvement. Mais pas de nâimporte quel mouvement. La marche compose aussi un plan de mouvement oĂč certains mouvements dâorganes coexistent et se combinent de maniĂšre spĂ©cifique, selon une logique propre. On peut mĂȘme y faire participer dâautres mouvements non habituels marcher en tournant la tĂȘte Ă gauche et Ă droite, par exemple. Tout cela, cependant, ne forme pas un plan dâimmanence. 62Pour construire un tel plan en dansant, au moins deux conditions sont requises que la pensĂ©e et le corps ne fassent quâun dans le mouvement la fusion » dont parle Cunningham ; que le mouvement du corps soit infini, ce qui implique quâil puisse sâagencer avec dâautres corps dansants. 63Nous nâexaminerons ici quâun aspect de cette derniĂšre condition. 64Pour quâil y ait fusion » ou saturation » du corps par le sens, il faut quâune osmose complĂšte se produise entre la conscience et le corps. Cette osmose nâexiste dans la conscience vigile ordinaire que par Ă -coups, Ă lâoccasion dâune douleur ou dâun effort musculaire intenses. Normalement nous nâavons quâune conscience extĂ©rieure de notre corps vu comme corps-objet. Pourtant, mĂȘme cette extĂ©rioritĂ© nâest pas totale dans le rĂ©gime ordinaire de la conscience du monde, nous formons toujours une sorte de conscience implicite de notre corps comme dâun objet particulier comme dit Leibniz, il nous appartient, nous lâ avons » ; ou bien, câest un corps de chair, sensible, comme dit Husserl. 65Steve Paxton, le chorĂ©graphe et danseur amĂ©ricain, Ă©crit La conscience peut voyager Ă lâintĂ©rieur du corps. Câest un fait analogue Ă celui de diriger le regard, dans le monde extĂ©rieur. Il y a aussi une conscience analogue Ă la vision pĂ©riphĂ©rique, qui est la conscience du corps tout entier, en maintenant les yeux ouverts » Paxton 1993 62. 66Apparemment, Steve Paxton rabat le rapport conscience-intĂ©rieur du corps sur le rapport conscience-monde exĂ©rieur, comparant la conscience du corps Ă la vision. Sa pensĂ©e, sur ce point, semble hĂ©siter car, ailleurs, il affirme que le danseur doit avoir une conscience inconsciente » afin de laisser le plus libres et spontanĂ©s possible les mouvements corporels, ce quâune conscience uniquement consciente » et sĂ©parĂ©e ne saurait faire. 67Si la conscience peut voyager Ă lâintĂ©rieur du corps, câest dans le but de construire une carte de cet espace interne. Non pas comme un miroir qui reflĂšte un paysage, mais comme une topographie des trajets et des lieux de lâĂ©nergie. Seule cette carte permet au danseur dâorienter ses mouvements sans avoir Ă les surveiller de lâextĂ©rieur comme dans lâapprentissage du ballet devant la glace, comme sâils sâorientaient dâeux-mĂȘmes. 68Ainsi le danseur a besoin dâavoir plus quâune conscience extĂ©rieure de son corps ; il en a une conscience de lâintĂ©rieur ». Quâest-ce que cette modalitĂ© de conscience ? 69Dans lâarticle citĂ©, Paxton dĂ©crit la façon dont il a dĂ©couvert et Ă©laborĂ© la technique du Contact-Improvisation » CI. Lâun des premiers exercices quâil proposait Ă ses Ă©tudiants lorsquâil cherchait encore sa mĂ©thode consistait Ă leur dire, pendant quâils se tenaient debout, immobiles Imaginez, mais ne le faites pas, imaginez que vous ĂȘtes sur le point dâavancer dâun pas avec votre pied gauche. Quelle est la diffĂ©rence, par rapport Ă la situation antĂ©rieure ? Imaginez⊠rĂ©pĂ©tez. Imaginez que vous ĂȘtes sur le point dâavancer dâun pas avec votre pied droit. Avec votre pied gauche. Droit. Gauche. ArrĂȘtez. » 70Paxton commente ainsi lâexpĂ©rience ArrivĂ©s Ă ce point, de petits sourires apparaissent parfois sur les visages des gens, ce qui me fait croire quâils avaient senti lâeffet. Ils Ă©taient partis faire une promenade imaginaire, et avaient senti leur poids rĂ©pondre subtilement mais rĂ©ellement Ă lâimage ; ainsi, lorsque je disais âArrĂȘtezâ, les sourires rĂ©vĂ©laient quâils avaient compris ma petite plaisanterie. Ils sâapercevaient que je connaissais lâeffet. Nous Ă©tions arrivĂ©s ensemble Ă un endroit invisible mais rĂ©el » ibid.. 71Les mots image », imagination », imaginaire » gĂȘnent Steve Paxton, qui a tendance Ă les refuser, allant jusquâĂ affirmer que les images Ă©taient censĂ©es ĂȘtre, eh bien, ârĂ©ellesâ. Câest-Ă -dire, elles nâĂ©taient pas censĂ©es ĂȘtre clairement irrĂ©elles obviously unreal » ibid.. 72DâoĂč vient lâembarras du chorĂ©graphe ? De ce que les mouvements des jambes collent aux images et ne sont pas seulement suscitĂ©s par elles. Ou plutĂŽt les images des mouvements des jambes ne sont pas que des reprĂ©sentations mentales, mais engagent le corps rĂ©el ; ses mouvements rĂ©els, bien que microscopiques, sâaccompagnent de sensations de poids, de tensions, etc. 73Ce nâest donc pas un corps imaginaire qui bouge ainsi, mais un corps rĂ©el » bien que non actuel ». Lâeffet des images sur le corps relĂšve de ces mouvements qui composent ce que Steve Paxton appela la petite danse » the small dance La petite danse est le mouvement accompli dans lâacte mĂȘme de se tenir debout ce nâest pas un mouvement consciemment dirigĂ©, mais peut ĂȘtre consciemment observĂ© 2. » Câest le mouvement microscopique que nous dĂ©couvrons Ă lâintĂ©rieur de notre corps et qui le maintient debout. Steve Paxton considĂšre que la small dance est la source premiĂšre de tout mouvement humain, puisque câest elle qui nous soutient dans la station debout. Avoir conscience de lâintĂ©rieur du corps commence par lâ observation » de la small dance en nous. 74Or, avoir conscience des mouvements internes produit deux effets la conscience amplifie lâĂ©chelle du mouvement, le danseur ressentant sa direction, sa vitesse et son Ă©nergie comme sâil sâagissait de mouvements macroscopiques ; et la conscience elle-mĂȘme change, cessant de se tenir Ă lâextĂ©rieur de son objet pour le pĂ©nĂ©trer, lâĂ©pouser, sâen imprĂ©gner la conscience devient conscience du corps, ses mouvements, en tant que mouvements de conscience, acquiĂšrent les caractĂ©ristiques des mouvements corporels. Bref, le corps remplit la conscience de sa plasticitĂ© et de sa continuitĂ© propres. Ainsi se forme une espĂšce de corps de la conscience » lâimmanence de la conscience au corps Ă©merge Ă la surface de la conscience et en constitue dĂ©sormais lâĂ©lĂ©ment essentiel. 75La conscience du corps, comme mode de conscience diffĂ©rent de la conscience rĂ©flexive, est Ă lâĆuvre partout oĂč le corps entre en action dans la danse, le sport, la relaxation, les arts martiaux, le processus de crĂ©ation artistique, le simple fait de se toucher ou de se voir. En vĂ©ritĂ©, la conscience du corps est prĂ©sente dans toute forme de conscience voilĂ pourquoi Steve Paxton tantĂŽt compare cette forme de conscience Ă la vision, tantĂŽt en fait un sous-systĂšme » dâorganes du corps, au mĂȘme titre que dâautres par exemple, des parties du corps qui respirent » pendant que la conscience les observe, Paxton 1993 62 ; ou encore, on le verra plus loin, il les considĂšre comme lâĂ©quivalent de mouvements non conscients du corps. 76La vision, par exemple, tenue pour le plus intellectuel des sens, posant son objet Ă distance, comporte toujours un Ă©lĂ©ment haptique, comme on le sait aujourdâhui ; et, dans cette propriĂ©tĂ© dâun toucher spĂ©cifique de la vision, câest tout le corps avec sa masse, sa texture, sa peau qui entre en contact avec lâobjet Ă travers la vue â Ă©valuant ainsi la texture, la masse, la surface de lâobjet vu. Ici aussi, seule lâimprĂ©gnation de la conscience par le corps permet la vision Ă distance ». 77Or, câest la conscience du corps dans la danse qui conditionne le destin mĂȘme du mouvement, le transformant en mouvement dansĂ©. Car câest la conscience du corps qui tisse le plan de mouvement propre Ă la danse, le plan dâimmanence de la danse. La communication inconsciente des corps 78Prenons un exercice de base » du CI le TĂȘte-Ă -tĂȘte » Head-to-Head, qui suit en gĂ©nĂ©ral, dans lâapprentissage de la technique du contact, le Se tenir debout » Standing. 79Auparavant, rappelons que le CI est une forme de danse quâon a dĂ©jĂ appelĂ©e sport-danse ou danse minimale qui se fonde sur le contact entre deux corps une communication sâĂ©tablit entre eux, telle quâune sorte de dialogue commence oĂč le mouvement de chacun des partenaires sâimprovise Ă partir des questions » posĂ©es par le contact de lâautre ; rĂ©ponse » improvisĂ©e, mais qui dĂ©coule du type de perception que chacun a du poids, du mouvement et de lâĂ©nergie de lâautre ; rĂ©ponse » donnĂ©e dans un mouvement encore et toujours de contact qui engendre une nouvelle question » pour le partenaire, et ainsi de suite. Les corps glissent les uns sur les autres, sâenroulent, se jettent les uns sur les autres, roulent par terre, se tiennent dos Ă dos, etc. Tout le mouvement a son origine dans le poids et lâĂ©quilibre des corps ou, plutĂŽt, dans le dĂ©sĂ©quilibre imminent des positions le mouvement dâun danseur crĂ©e cette demande Ă laquelle le corps de lâautre donnera une rĂ©ponse selon la pente du poids et de lâĂ©nergie qui lui conviendra le mieux. LâĂ©nergie doit couler, le mouvement fluer le plus aisĂ©ment possible, le danseur choisira souvent la pente qui lui semblera satisfaire ces requisits. 80Il est clair que le contact de deux corps en mouvement, Ă la fois agissant selon les stimuli de lâautre et improvisant, crĂ©e un type de corps et de mouvements qui fait toute la singularitĂ© du CI. 81Le TĂȘte-Ă -tĂȘte met en contact deux tĂȘtes. La surface de contact est identique pour les deux partenaires comme dans tout mouvement de CI. A travers le point du toucher dans le TĂȘte-Ă -tĂȘte, chaque danseur peut sentir la small dance de lâautre personne. Câest lâobservation directe et lâexpĂ©rience du mouvement inconscient de lâesprit unconscious movement-mind de lâautre. Chaque danseur est conscient que sa small dance est en train dâĂȘtre sentie par lâautre. Câest une connexion complexe, qui semble impliquer de multiples niveaux sensoriel, mental et rĂ©flexe, et qui naĂźt du toucher de deux tĂȘtes. Câest lâintroduction et le modĂšle du toucher partout ailleurs dans le corps » Paxton 1996 50. 82Deux aspects nous importent particuliĂšrement dâabord, le TĂȘte-Ă -tĂȘte et donc tout contact dans le CI suscite une expĂ©rience inconsciente des mouvements small dance et autres du partenaire ; ensuite, on peut considĂ©rer ce type dâexpĂ©rience comme le modĂšle de la communication » des corps dans le CI. 83Car il sâagit bien dâune communication un peu spĂ©ciale, plutĂŽt dâune osmose Paxton lâappelle mutuelle » ou rĂ©ciproque ». Or, cette osmose intensifie lâexpĂ©rience du toucher de chaque danseur LâexpĂ©rience est entiĂšrement personnelle en ce qui concerne le toucher. Elle comporte les impressions sensorielles, et les sentiments sur ces impressions. Ăa peut comprendre lâhistoire personnelle de chacun, des sentiments sur cette histoire, des fantaisies, etc. Câest lâexpĂ©rience, et puis lâexpĂ©rience de cette expĂ©rience. E-au-carrĂ©. [âŠ] Cependant, si deux esprits sont centrĂ©s sur le mĂȘme phĂ©nomĂšne toucher, musique, paroles, quelque chose arrive qui ressemble beaucoup Ă une expĂ©rience rĂ©ciproque mutuality of experience. Câest comme avoir accĂšs Ă un autre esprit. Non pas lire la pensĂ©e dâautrui, comme nous lâimaginons, car nous ne savons pas ce que cet esprit ressent ; [nous savons] seulement que câest du sentir, centrĂ© sur le toucher commun, qui a lieu. Autrement dit, si lâon admet que notre expĂ©rience sensorielle dĂ©rive de notre point de vue, dans la rĂ©ciprocitĂ© mutuality nous avons une expĂ©rience dâun autre ordre E-au-carrĂ© plus E-au-carrĂ©. Dans ce type de rĂ©ciprocitĂ©, la vitesse de transmission et de retransmission est suffisamment rapide pour sâinscrire dans notre intention et stimuler nos rĂ©flexes. Cela affecte le cours de la danse sans une dĂ©cision consciente de notre part » ibid.. 84Steve Paxton cherche Ă dĂ©crire le mĂ©canisme le plus simple dâintensification de lâĂ©nergie lorsque, comme disait Spinoza, deux corps se rencontrent et sâaffectent lâun lâautre ici, par contact ; et seul lâaccroissement, et non la diminution de lâĂ©nergie, intĂ©resse Paxton. Quâest-ce qui se passe lorsque deux corps entrent en contact ? Ils gagnent tous deux en intensitĂ©. Pourquoi ? Parce que, grĂące Ă une communication inconsciente dâexpĂ©riences, chaque corps accueille lâexpĂ©rience de lâautre. 85Le langage trĂšs empirique, voire positiviste, de Steve Paxton ne lâempĂȘche pas de repĂ©rer des phĂ©nomĂšnes qui exigent dâautres concepts pour ĂȘtre explicitĂ©s. 86La rĂ©ciprocitĂ© » implique bien un accroissement de lâĂ©nergie câest un Ă©vĂ©nement puissant â ces rĂ©ciprocitĂ©s ressenties crĂ©ent des possibilitĂ©s sur lesquelles se fondent des efforts communs qui vont des sports Ă la culture en gĂ©nĂ©ral. Et, dans le registre de la peur, le comportement de la foule » ibid.. 87Comment se transmettent ces Ă©nergies ? ImmĂ©diatement, par contact, et inconsciemment. Mais, comme on lâa vu, lâinconscience du contenu transmis se double de la conscience du processus de transmission. Mieux paradoxalement, câest la conscience mĂȘme du contact des tĂȘtes ou des corps qui permet ou provoque la communication » entre inconscients. Steve Paxton lâaffirme clairement Savoir quâon touche et quâon est touchĂ© accompagne la conscience awareness que le mĂȘme processus est en train de se dĂ©rouler Ă lâintĂ©rieur de la personne avec qui on danse » ibid.. 88Autrement dit, la conscience du corps dans le contact intĂšgre la conscience que lâautre vit la mĂȘme expĂ©rience de contact la conscience du contact quâa un danseur contient non lâexpĂ©rience de lâautre, mais la conscience quâil en a et qui est la conscience que le premier danseur a la mĂȘme expĂ©rience que la sienne. Bref, je sais quâil sait que je sais quâil sait. 89Ces empiĂštements de consciences des deux partenaires danseurs, loin de les enfermer dans un stĂ©rile rapport en miroir, ouvrent leurs consciences au passage des inconscients. Car il ne sâagit pas de consciences pures » mais de consciences du corps ». Le contact de deux corps suscite une sorte de double effet sur la conscience du danseur dâune part elle subit une imprĂ©gnation de son propre corps du fait de se trouver centrĂ©e sur le point de contact ; et dâautre part, elle Ă©chappe Ă elle-mĂȘme, se dĂ©centre de soi, se trouvant inexorablement attirĂ©e vers lâautre conscience du corps qui a tendance Ă lâimprĂ©gner elle aussi, Ă se mĂ©langer avec elle. Et rĂ©ciproquement cela produit une osmose intensive, comme un effet dâaccumulation et dâavalanche dans lâimprĂ©gnation mutuelle. 90SâĂ©chapper Ă soi-mĂȘme, câest sâouvrir Ă un mouvement imparable qui va laisser passer des contenus inconscients. DâoĂč tous ces Ă©tourdissements, vertiges, pertes du sens de lâorientation, voire des Ă©pisodes psychotiques qui arrivent pendant les exercices de CI la tendance Ă sâĂ©chapper Ă soi peut ĂȘtre vĂ©cue comme absorption de son corps par la conscience de lâautre, etc. Cela ne vient pas seulement de ce que le corps se trouve sans cesse dans des positions de quasi-Ă©quilibre tout Ă fait inhabituelles â tĂȘte en bas, par exemple ; mais si ces positions peuvent avoir des effets si intenses câest parce que les consciences sâouvrent Ă la communication des inconscients. 91Une osmose des consciences du corps se forme Ă partir du je sais quâil sait que je sais⊠». Si bien que le danseur, dans le TĂȘte-Ă -tĂȘte, ne sait plus oĂč est ou a sa tĂȘte â et câest cela lâouverture Ă lâinconscient ; câest cela lâintensification de sa conscience du corps ce que Steve Paxton appelle E-au-carrĂ© plus E-au-carrĂ© ». La conscience du corps, les trous, la communication 92Sâil y a ouverture Ă lâinconscient qui se transmet sans que la conscience connaisse les contenus transmis, câest quâun dynamisme particulier de la conscience du corps de chaque danseur commence alors, dont il faut souligner un aspect la conscience sâouvre, se dĂ©centre, perd ses repĂšres, se remplit de trous ». LâidĂ©e des trous qui peuplent la conscience du corps et la conscience tout court revĂȘt suffisamment dâimportance pour que Steve Paxton crĂ©e lâimage dâune conscience-gruyĂšre, trouĂ©e Ă la façon du fameux fromage suisse, et tente de la proposer comme modĂšle de fonctionnement de la conscience working model for consciousness Paxton 1993 65. 93Les trous ou intervalles gaps existent dĂ©jĂ , en fait, dans toute conscience du corps. On peut on doit, selon Paxton les remplir, sâefforçant dâacquĂ©rir une pleine conscience de ce qui se passe entre deux moments de la conscience qui ne se relient pas, câest-Ă -dire oĂč un trou sâouvre. Mais quâarrive-t-il dans ces moments oĂč la conscience manque ? Mon hypothĂšse, câest que les trous sont des moments oĂč la conscience sâen va. Je ne sais pas oĂč elle va. Mais je crois savoir pourquoi. Quelque chose se produit qui est trop rapide pour la pensĂ©e » ibid. 50. Ou bien, dans le texte dĂ©jĂ citĂ©, la vitesse de transmission et de retransmission [des contenus inconscients dans le contact] est suffisamment rapide pour sâinscrire directement dans notre intention et stimuler nos rĂ©flexes. Cela affecte le cours de la danse sans quâune dĂ©cision consciente soit prise par nous ». Remarquons en passant que S. Paxton admet quâun contenu inconscient se loge au sein mĂȘme de lâintention qui, pour la phĂ©nomĂ©nologie, constitue lâessence mĂȘme de la conscienceâŠ. 94Bref, le contact des corps produit des mouvements â que Paxton a tendance Ă caractĂ©riser comme mouvements rĂ©flexes â qui vont trop vite pour la pensĂ©e. Et cela creuse un trou dans la conscience. La conscience du corps se crible de trous, comme un gruyĂšre. Mais en mĂȘme temps â et câest lâautre aspect du dynamisme de la conscience dans le CI â, les trous tendent Ă se remplir, le danseur cherchant Ă avoir une conscience pleine et continue full consciousness des mouvements corporels. Cette conscience pleine entraĂźne lâĂ©largissement de la carte des mouvements ; il ne faut pas que les mouvements restent inconscients dans ce trou de conscience, car ils risquent de rester incrustĂ©s embedded dans le mouvement comme une partie du sentiment global du mouvement » Paxton 1993 63. 95Comment caractĂ©riser ces mouvements qui, par leur extrĂȘme vitesse, Ă©chappent Ă la conscience ? Ce sont des mouvements virtuels. La description de Paxton Ă©pouse curieusement la dĂ©finition que Deleuze donne du mouvement virtuel Ils sont dits virtuels en tant que leur Ă©mission et absorption, leur crĂ©ation et destruction se font en un temps plus petit que le minimum de temps continu pensable, et que cette briĂšvetĂ© les maintient dĂšs lors sous un principe dâincertitude ou dâindĂ©termination » Deleuze & Parnet 1996 179. 96Que les mouvements de la communication dansĂ©e soient virtuels ne les empĂȘche pas de sâactualiser en devenant conscients. Mais il est exclu que tous les mouvements virtuels deviennent actuels. 97RĂ©sumons câest grĂące aux trous ou vacuoles de conscience quâune communication sâĂ©tablit entre inconscients. Ces vacuoles, dĂ©jĂ prĂ©sentes dans la conscience ordinaire, acquiĂšrent une prĂ©gnance perceptive Ă la conscience du corps, dans le CI car, comme on a vu, le contact ouvre la conscience Ă un empiĂštement ou imprĂ©gnation qui laisse passer dâun corps Ă lâautre des contenus inconscients de mouvement je sens la small dance de lâautre parce que je mâimprĂšgne de la conscience du corps de lâautre qui sait que je sais quâil sait â ce qui imprĂšgne encore ma conscience du corps de la conscience du corps de lâautre. 98Ainsi se forme, dans le CI, un plan unique de mouvement virtuel de deux corps qui communiquent » inconsciemment de telle façon quâon peut parler dâ un seul corps qui bouge ». Cependant, ce corps unique â câest-Ă -dire les corps qui roulent, agissent et rĂ©agissent les uns aux autres toujours en contact, improvisant leurs mouvements â constitue bien plutĂŽt un plan de mouvement unique ou collectif virtuel sur lequel de multiples corps dansent actuellement, câest-Ă -dire accomplissant des mouvements actuels. Le plan virtuel, câest le plan de lâosmose des mouvements inconscients virtuels ; les mouvements des corps sont actuels mais se dĂ©ploient exclusivement maintenant sur le plan du mouvement virtuel â celui-ci seul garantit la cohĂ©rence et la consistance de leurs gestes, le nexus de leurs Ă©volutions et dĂ©placements. 99Ne pas oublier que le mouvement des corps nâest pas que physique Lorsque nous avons affaire Ă des aires sensibles [dans le contact des corps] quelles quâelles soient, nous devons danser de maniĂšre sensible [âŠ]. Ce nâest pas seulement Ă du mouvement que nous rĂ©pondons. Le mouvement est une surface physique couvrant des temps entiers de vie et des expĂ©riences totalement inconnaissables » Paxton 1996 51. Câest tout cela qui compose les contenus inconscients qui se transmettent dans lâosmose des corps. 100On voit comment le CI construit le plan du mouvement immanent la fusion » ici est double, entre la conscience et le corps, et entre deux corps Ă travers leur osmose inconsciente et lâosmose des consciences du corps. Fusion » qui nâimplique pas perte de la singularitĂ©, puisque chaque corps ne reçoit et nâĂ©met de lâĂ©nergie que selon ce qui lui convient le mieux de lâautre corps qui facilite et intensifie le flux de sa propre Ă©nergie. Il y a des corps qui se conviennent mieux que dâautres, dans le CI. 101Lâimprovisation â aspect que nous nâavons pas examinĂ© â marque lâaffirmation de la singularitĂ© dans cette technique de la danse. 102En fait, le plan de mouvement construit lâimmanence en transformant tout sens conscient expressif, reprĂ©sentatif, etc. en mouvement qui Ă©merge Ă la surface des corps ; et il change le sens inconscient en mouvement virtuel de communication et dâosmose entre inconscients â il faudrait parler ici dâ inconscients du corps ». 103VoilĂ qui rend infini le mouvement du plan et Ă©galement les mouvements actuels dans la mesure oĂč ils se prolongent dans les mouvements virtuels aucun mouvement ne finit Ă un endroit prĂ©cis de lâespace objectif, celui-ci â que ce soit une scĂšne de théùtre classique ou autre â nâarrĂȘte jamais les mouvements des danseurs, comme jamais les limites de leur corps propre nâempĂȘchent leurs gestes de se prolonger au-delĂ de leur peau.
FĂȘteset festivals, Cahors, Lot. PubliĂ© le 02/07/2022 Ă 07:31. l'essentiel Cette annĂ©e, le festival de danse "traces contemporaines" organise sa 14 Ăšme Ă©dition. C'est du 15 au 18 septembre Comment les chrĂ©tiens doivent-âils considĂ©rer la danse ? LE NEW YORK TIMES publia rĂ©cemment la dĂ©claration suivante â Les habituĂ©s des cafĂ©s qui ont ignorĂ©, pendant des annĂ©es, le rockânâroll, ont adoptĂ© soudain, grĂące au dĂ©veloppement manifeste de lâhypnose des masses, lâengouement des moins de vingt ans. â â LâĂ©lite des gens du monde et les cĂ©lĂ©britĂ©s du théùtre ont dĂ©couvert une danse voluptueuse, appelĂ©e le twist, exĂ©cutĂ©e en se balançant et en se trĂ©moussant, et ils sây adonnent comme les convertis Ă une nouvelle sorte de vaudou. ââ 1 Un â twist vaudou â ritualiste se danse Ă Berlin-Ouest car la danse, aprĂšs avoir fait fureur Ă New York, sâest rĂ©pandue en Angleterre, en France et dans dâautres pays. Au cours des derniĂšres annĂ©es, peu dâengouements pour la danse ont provoquĂ© plus de discussions, soulevĂ© plus de controverses. Mais les danses apparaissent et passent de mode. La danse qui sera en vogue demain peut ĂȘtre absolument diffĂ©rente de celle qui est Ă la mode aujourdâhui. Quel sera donc le point de vue du chrĂ©tien Ă lâĂ©gard de la danse, Ă©tant donnĂ© surtout les frĂ©quents changements quâelle subit dans son exĂ©cution ? LA DANSE BIENSĂANTE NâEST PAS CONDAMNĂE Les saintes Ăcritures ne condamnent pas carrĂ©ment la danse en elle-âmĂȘme. Quand la dĂ©sapprobation divine frappait les danseurs, comme dans le cas des IsraĂ©lites dansant devant un veau dâor, ce qui Ă©tait mal, câĂ©tait lâidolĂątrie intimement liĂ©e Ă la danse, bien quâune certaine indĂ©cence ait pu sâintroduire dans son exĂ©cution. Une danse de ce genre attirait le dĂ©shonneur sur JĂ©hovah. â Ex. 321-35. Dans lâancien IsraĂ«l, la danse Ă©tait exĂ©cutĂ©e ordinairement par les femmes, surtout Ă lâoccasion de victoires remportĂ©es sur les ennemis de JĂ©hovah. Une telle danse Ă©tait une expression de reconnaissance Ă Dieu, une expression de joie Ă lâoccasion de sa victoire, toute Ă sa gloire. AprĂšs le triomphe de JĂ©hovah sur Pharaon et son armĂ©e dans la mer Rouge, Marie, la sĆur de MoĂŻse, prit la tĂȘte des femmes qui vinrent âavec des tambourins et en dansant â. AprĂšs que David, aidĂ© par Dieu, eut vaincu les Philistins paĂŻens, â les femmes sortirent de toutes les villes dâIsraĂ«l ..., en chantant et en dansant â. Quand, grĂące Ă Dieu, JephthĂ© eut remportĂ© la victoire sur les Ammonites, sa fille sortit au-devant de lui â avec des tambourins et des danses â. Quand lâarche de lâalliance de JĂ©hovah fut amenĂ©e dans la ville de David, le roi exprima lui-âmĂȘme sa joie en â dansant de toute sa force devant JĂ©hovah â. â Ex. 1520 ; I Sam. 186 ; Juges 1134 ; II Sam. 614, AC. Les Ăcritures emploient souvent le mot â danse â pour souligner la joie ou lâallĂ©gresse, comme dans le Psaume 3012 JĂ© 3011, NW â Pour moi tu as changĂ© le deuil en une danse. â Quâen est-âil des Ăcritures grecques chrĂ©tiennes ? Nous nây trouvons aucune condamnation de la danse en elle-âmĂȘme. En fait, JĂ©sus-Christ prononça une parabole qui introduit la danse dans un certain jour de fĂȘte. Au retour de son fils prodigue, le pĂšre se rĂ©jouit et prĂ©para une fĂȘte au cours de laquelle on dansa â Le fils aĂźnĂ© Ă©tait dans les champs. Lorsquâil revint et approcha de la maison, il entendit la musique et les danses. â Luc 1525. Il est Ă©vident que le Fils de Dieu ne condamna pas la danse en elle-âmĂȘme ; autrement il nâen aurait pas parlĂ© comme faisant partie dâune fĂȘte, digne dâĂȘtre cĂ©lĂ©brĂ©e. En outre, de nombreuses danses mettent en valeur la beautĂ© de la forme et de la dĂ©marche et, Ă cause de leur charme incontestable, sont agrĂ©ables Ă regarder. Le mouvement rythmique des pieds et du corps nâest pas mal en soi. Une encyclopĂ©die religieuse dit â La danse juive Ă©tait exĂ©cutĂ©e par les sexes sĂ©parĂ©ment ... en des groupes distincts et sĂ©parĂ©s. â Alors, comment un chrĂ©tien doit-âil considĂ©rer la danse moderne ? Dans sa Parole Ă©crite, Dieu a consignĂ© certains commandements et principes qui doivent guider le chrĂ©tien dans toutes ses voies. Par consĂ©quent, le chrĂ©tien a un guide pour dĂ©terminer si une danse particuliĂšre ou la façon dont elle sâexĂ©cute est biensĂ©ante ou non. Quand une nouvelle danse apparaĂźt, comment un chrĂ©tien dĂ©terminera-ât-âil sâil est convenable ou non pour lui dây participer ? FACTEURS DĂTERMINANTS Tout dâabord, renseignez-âvous pour savoir ce que cette danse est au juste. Quels mouvements entrent dans son exĂ©cution ? Comment est-âelle dĂ©crite par les observateurs, dans les journaux et les revues ? Sâil est possible de remonter Ă son origine et dâen suivre lâĂ©volution, la recherche peut vous apprendre bien des choses. ContrĂŽlez ce que vous avez appris Ă lâaide des principes bibliques. Voici un exemple Supposez quâun jeune adulte ou un des parents ait entendu parler du twist et dĂ©sire savoir si cette danse convient Ă un chrĂ©tien. Eh bien ! Observez la description que lâon en fait. Il y a des chances pour que vous trouviez de frĂ©quents commentaires dans les journaux, un de ce genre peut-ĂȘtre â Le twist, issu dâune danse appelĂ©e le Madison qui apparut il y a un certain nombre dâannĂ©es Ă Philadelphie, est une danse rythmique, qui secoue les Ă©paules, fait se tortiller les hanches, et dans laquelle les partenaires synchronisent leurs mouvements mais ne se touchent pas. ââ 1 Une revue amĂ©ricaine populaire, consacrant quelques pages Ă la danse, dĂ©clara â Au rythme marquĂ© de la chanson, les partenaires se balancent dâavant en arriĂšre sur la demi-pointe des pieds tout en tortillant frĂ©nĂ©tiquement les hanches. ââ 2 Si la presse locale ne jetait que peu de lumiĂšre sur la question, on pourrait trouver Ă la bibliothĂšque municipale des ouvrages discutant les nouvelles tendances. Ainsi, si lâon ouvrait le Book of the Year lâAnnuaire britannique de 1962, on trouverait plusieurs commentaires, entre autres, celui-ci â Au cours de 1961, on assista Ă la renaissance de deux danses pour les moins de vingt ans le twist et le fish. Plusieurs ecclĂ©siastiques des Ătats-Unis les condamnĂšrent publiquement. En automne dernier, le twist en particulier a pris soudain le caractĂšre dâune passion de la part des grands ... Il sâexĂ©cute avec le minimum de mouvement des pieds et le maximum de girations du corps. â De nombreuses chroniques sont de nature Ă fournir des renseignements sur lâorigine dâune nouvelle danse ; il en est ainsi pour le twist. Par exemple, la revue Time fit paraĂźtre le commentaire suivant â Le twist Ă©tait au dĂ©but une danse assez innocente ; depuis il a Ă©tĂ© abandonnĂ©, en grande partie, pour des raffinements comme â le roach â et â le fly â. Mais les jeunes personnes dans une certaine boĂźte de nuit new-yorkaise ont fait renaĂźtre le twist et lâont parodiĂ© en imitant un certain rite tribal de la pubertĂ©. Les danseurs ne se touchent presque pas ou remuent Ă peine leurs pieds. Cependant, tout le reste bouge. La partie supĂ©rieure du corps se balance dâavant en arriĂšre, les hanches et les Ă©paules se tortillent Ă©rotiquement, tandis que les bras reviennent en arriĂšre, sâallongent, se lĂšvent, se baissent. ââ 3 Cette boĂźte de nuit avec son twist modifiĂ©, expliqua plus loin le mĂȘme article, â aurait bien pu rester un simple divertissement de luxe pour les gens du centre de la ville â si un directeur de journal ne lâavait rendue populaire auprĂšs des habituĂ©s des cafĂ©s. Ainsi quâavez-âvous appris sur cette danse ? Cet exemple nous a montrĂ© que lâengouement quâelle suscite concerne surtout les girations du corps, que les mots servant Ă la dĂ©crire sont â frĂ©nĂ©tique â, â voluptueuse â et â Ă©rotique â. Vous avez appris aussi quel genre de personnes lâont fait Ă©voluer et quâelle est essentiellement une imitation de quelque danse de tribu paĂŻenne comprenant des gestes de nature suggestive quant au sexe. Maintenant, quels principes et commandements bibliques Ă©claireront les faits que vous avez appris ? Si vous lâignorez, interrogez un chrĂ©tien mĂ»r. Ou bien utilisez lâIndex des Publications de la SociĂ©tĂ© Watch Tower qui vous guidera dans votre recherche. Vous dĂ©couvrirez une quantitĂ© de principes. Par exemple, la danse en question favorise-ât-âelle une sainte conduite ? La Parole de Dieu dĂ©clare â Soyez saints dans toute votre conduite. â Elle sâexprime nettement contre â les besoins immodĂ©rĂ©s de plaisirs sensuels voluptĂ©s, Da â. Elle nous met en garde contre la â conduite honteuse â et â les choses qui ne sont pas biensĂ©antes â. Elle exige la modestie des femmes chrĂ©tiennes. Il est dit aux chrĂ©tiens de considĂ©rer et de pratiquer ce qui est â pur â. â I Pierre 115 ; Jacq. 41, NW ; Ăph. 54, NW ; Phil. 48 ; I Tim. 29. Maintenant, interrogez-âvous La danse que vous avez Ă lâesprit est-âelle Ă la hauteur de ces exigences scripturales ? Vous devriez ĂȘtre Ă mĂȘme de prendre la bonne dĂ©cision. QUâEST-âCE QUI EST MIS EN VALEUR ? De nombreuses danses mettent en valeur une sorte de pas modĂšle accompagnĂ©e de gracieux mouvements du corps. Mais certaines danses nâont guĂšre de rapport avec la sorte de pas et le mouvement des pieds, elles soulignent le mouvement du corps qui peut ĂȘtre ou non Ă©rotique. Certaines danses de tribus et peuples primitifs ont pour objet dâexciter les instincts sexuels. Les CananĂ©ens avaient les danses de la fertilitĂ©. Des danses analogues Ă©taient exĂ©cutĂ©es dans les anciennes bacchanales, qui servaient de prĂ©textes Ă lâimmoralitĂ©. Dans son livre World History of the Dance, Curt Sachs, exprime la conviction que â les danses des hanches et du ventre â en des endroits comme les Mers du Sud ont â uniquement pour objet lâexcitation sexuelle. Mais Ă lâorigine le but Ă©tait magique les mouvements coĂŻtaux, comme toutes les autres excitations sexuelles, favorisent la vie et la croissance â. Si une danse moderne est une imitation des gestes Ă©rotiques de quelque danse paĂŻenne, alors les principes scripturaux lâinterdisent au chrĂ©tien. Le mouvement vigoureux en soi nâest pas le facteur dĂ©terminant ; la polka, trĂšs rythmĂ©e, nâest pas nĂ©cessairement Ă©rotique. Le fait que les partenaires se touchent nâest pas non plus le seul facteur dĂ©terminant. Le contact physique nâest pas indispensable pour que les passions sâĂ©veillent. Les mouvements des danseurs peuvent faire naĂźtre en les spectateurs des pensĂ©es basses et allumer des sentiments passionnĂ©s. Ainsi, quand une danse moderne insiste sur le tortillement des hanches et le balancement des seins chez les femmes, il est bien de se rendre compte que ce nâest pas lĂ une conduite modeste, que ce genre dâexercice est exĂ©cutĂ© par les peuples primitifs dans diffĂ©rentes parties du monde dans leurs danses de la fertilitĂ©. Le chrĂ©tien peut ĂȘtre sĂ»r que cette danse produit sur les habitants de sa rĂ©gion le mĂȘme effet que sur les peuples primitifs. Il se peut que les chrĂ©tiens goĂ»tent un certain plaisir Ă danser ; mais, quand ils voient que la danse en vogue dans le vieux monde est suggestive quant au sexe mouvement puissamment Ă©rotique des seins et des hanches, alors ils lâĂ©vitent au lieu de se sentir obligĂ©s de suivre la foule. Il en est qui riront de vous parce que vous ne marchez pas de pair avec la foule mais, ce qui compte, câest dâavoir une bonne conscience envers Dieu. â I Pierre 43, 4. QUELLE EST LA RENOMMĂE DE LA DANSE ? LâapĂŽtre Paul dit aux chrĂ©tiens de sâattacher Ă â toutes les choses qui sont de bonne renommĂ©e â. Phil. 48, Da. Ainsi, en dĂ©terminant si une danse est biensĂ©ante ou non pour le chrĂ©tien, renseignez-âvous au sujet de sa renommĂ©e. La bonne sociĂ©tĂ© de ce monde ou les jeunes excentriques approuveront peut-ĂȘtre une danse, mais nous ne pouvons ĂȘtre guidĂ©s par ceux-lĂ qui rejettent toute contrainte et donnent la premiĂšre place Ă la prĂ©tendue â libertĂ© sexuelle â. Quel est donc le sentiment de la communautĂ© ? Et, plus particuliĂšrement, quel est le sentiment de votre assemblĂ©e religieuse ? Comment seriez-âvous considĂ©rĂ© si vous la dansiez ? Si lâon voulait connaĂźtre la renommĂ©e du twist tel que lâa rendu populaire une boĂźte de nuit new-yorkaise, on pourrait lire un article du genre de celui quâĂ©crivit Geoffrey Holder, un danseur nĂ© Ă Trinidad, qui dĂ©clara â Le twist ? Je ne prends pas part Ă cette danse. Elle est malhonnĂȘte ... Câest la synthĂšse du plaisir sexuel transformĂ© en sport pour le spectateur malade ... La danse de sociĂ©tĂ© nâeut jamais pour objet de fournir de la vigueur au spectateur qui en manque. Quand elle est destinĂ©e Ă le faire, prenez-ây garde ! ... Quand Antony Tudor voulut poser son hĂ©ros en favori du sexe et symbole phallique dans la Colonne de feu, il sortit et dansa le twist, pendant quelques secondes, pour crĂ©er le personnage ... DĂšs le commencement des temps, la maniĂšre classique de montrer la puissance du mĂąle, la vigueur sexuelle, a Ă©tĂ© le mĂȘme mouvement du bassin. Dans les danses de la fertilitĂ© africaine, vous la voyez toujours nue. Vraiment. ââ 4 Toutefois, vous nâavez nul besoin dâarticles spĂ©ciaux pour avoir une idĂ©e de la renommĂ©e dâune danse. Quelques entrefilets, trĂšs courts, disent bien des choses. Par exemple â La ville de Tampa a inaugurĂ© lâannĂ©e 1962 par lâinterdiction du twist, un nouveau pas de danse, dans ses salles de rĂ©crĂ©ation. ââ 5 â Les moralistes discutĂšrent la question de la danse pour savoir si elle Ă©tait biensĂ©ante. Dans sa chronique, Elsa Maxwell confia que la princesse Olga de Yougoslavie sâĂ©tait rangĂ©e Ă son opinion, au bal polonais, que le twist ne devrait pas ĂȘtre dansĂ© dans les lieux publics. â â La Maison Blanche a fermement dĂ©menti aujourdâhui la nouvelle que le prĂ©sident Kennedy ou quelquâun dâautre aurait dansĂ© le twist lors dâune soirĂ©e qui y fut organisĂ©e. ââ 7 â La nouvelle danse, le twist, a Ă©tĂ© interdite dans la Roseland Dance City New York. Ă notre avis, ce nâest pas une danse pour salle de bal, dâaprĂšs Lou Brecker, qui fonda la salle de bal du quartier du théùtre, en 1919. Elle manque de vraie grĂące. ââ 8 Les moyens dâinformation de votre rĂ©gion peuvent contenir aussi des lettres adressĂ©es aux rĂ©dacteurs de journaux, lettres rĂ©vĂ©lant bien des choses sur les pensĂ©es des gens, comme dans lâexemple suivant â EspĂ©rons que les jeunes et moins jeunes corps de nos danseurs sont trompeurs, que leur esprit ne se comporte pas intĂ©rieurement comme leurs bassins et leurs pectoraux le font au dehors. ââ 9 Ainsi, mĂȘme sâil est possible Ă un chrĂ©tien de prendre part Ă une danse avec une bonne conscience devant Dieu du fait que son motif nâest pas mauvais, cette condition ne suffit pas. Il doit considĂ©rer lâeffet produit sur le spectateur. Celui-ci sait ce qui se passe dans son propre esprit quand il regarde une danse sensuelle et il prĂ©sume que les mĂȘmes pensĂ©es traversent lâesprit du danseur. Le fait de dire â Mon esprit et ma conscience sont claires â ne suffit pas car les Ăcritures nous disent avec insistance â Ne devenez pas une cause dâachoppement. â â I Cor. 1032, Da. OUBLI DE SOI-âMĂME POUR NE PAS ĂTRE UNE CAUSE DâACHOPPEMENT Nul chrĂ©tien ne veut dĂ©tourner les gens de la vĂ©ritĂ© de Dieu, par sa conduite, mĂȘme si celle-ci nâest pas mauvaise en soi. Mais les circonstances peuvent la rendre mauvaise. Ce qui est acceptable dans un lieu peut vous attirer le mĂ©pris dans un autre. MĂȘme lĂ oĂč la danse est admise, si les gens lâidentifient comme un signe de dĂ©vergondage, ils considĂ©reront de la mĂȘme maniĂšre tous ceux qui y participeront. Câest pourquoi tous les chrĂ©tiens voudront prendre garde au conseil de Paul â Nous ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, afin que le ministĂšre ne soit pas un objet de blĂąme. â â II Cor. 63, NW. Le conseil divin sâĂ©nonce donc ainsi â Que personne ne cherche son propre intĂ©rĂȘt, mais que chacun cherche celui dâautrui. â I Cor. 1024. Quel est cet intĂ©rĂȘt dâautrui que les chrĂ©tiens doivent chercher ? Câest son intĂ©rĂȘt spirituel. Bien entendu, il convient dâĂȘtre encourageant et aimable, mais cela ne nous coĂ»te rien ; et Paul parle de ce qui nous coĂ»te quelque chose afin quâautrui en tire profit. Câest une question de conscience. Toutes les personnes ne voient pas les choses de la mĂȘme façon. Le chrĂ©tien ayant une conscience Ă©clairĂ©e peut faire les choses avec une bonne conscience et ĂȘtre une cause dâachoppement pour autrui. Il doit considĂ©rer lâobjectif essentiel le salut dâautrui. Nous ne voulons pas faire trĂ©bucher autrui Ă cause de sa conscience. Cela met un frein Ă notre libertĂ© et rĂ©clame de lâempire sur soi-âmĂȘme dans les choses qui, en elles-âmĂȘmes, peuvent ĂȘtre biensĂ©antes. Il nous faut agir de telle sorte que rien de ce que nous faisons nâempĂȘchera les autres dâaccepter la vĂ©ritĂ© de Dieu. Il faut donc non seulement Ă©viter ce qui est mal du point de vue scriptural mais encore nous priver de ce Ă quoi nous avons droit afin de ne pas prĂ©disposer quelquâun contre la vĂ©ritĂ© de Dieu. Par consĂ©quent, si nous sommes disposĂ©s Ă nous priver de quelque chose de biensĂ©ant en soi afin de ne pas faire trĂ©bucher autrui, Ă combien plus forte raison devrions-ânous nous abstenir de faire ce qui est indĂ©cent selon les Ăcritures ! Montrant quâil ne faut pas prendre Ă la lĂ©gĂšre la question de faire trĂ©bucher autrui, JĂ©sus prononça lâavertissement suivant â Mais celui qui aura Ă©tĂ© une occasion de chute pour lâun de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui quâon lui pendĂźt au cou une de ces meules que tournent les Ăąnes, et quâon le prĂ©cipitĂąt dans les profondeurs de la mer. â â Mat. 186, Stapfer. Ce nâest pas Ă cause dâune danse que lâon peut nĂ©cessairement faire trĂ©bucher autrui mais Ă cause des circonstances qui pourraient entourer la danse. Par exemple, que dire si le lieu oĂč lâon danse a une mauvaise rĂ©putation ? Un chrĂ©tien ne frĂ©quenterait pas un restaurant de mauvaise renommĂ©e, ne fĂ»t-âce que pour la bonne nourriture quâon y servirait. Il pourrait ĂȘtre une occasion de chute pour autrui. Le lieu est donc aussi un facteur dĂ©terminant I Cor. 89, 10. De mĂȘme les frĂ©quentations sont une question essentielle car â les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mĆurs â. I Cor. 1533. Une danse peut ĂȘtre biensĂ©ante mais le divertissement inconvenant sâil est goĂ»tĂ© en mauvaise compagnie. Nous devrions nous divertir en compagnie de ceux qui aiment Dieu et respectent ses commandements. Il est bien que les chrĂ©tiens se rappellent quâon ne peut classer toutes les danses en danses biensĂ©antes ou indĂ©centes. Nombre dâentre elles peuvent ĂȘtre classĂ©es soit dans lâune soit dans lâautre catĂ©gorie, tout dĂ©pend des danseurs. Le motif peut ĂȘtre mauvais dans une danse convenable de sorte quâil devient un dĂ©sir violent de plaisir sexuel. En outre, un chrĂ©tien nâa nul besoin dâune ordonnance propre Ă chaque sorte de danse mise en vogue car, dans de nombreux cas, il peut se renseigner sur les faits et appliquer les principes bibliques. Sâil veut continuer de mener une vie de cĂ©libataire il peut trouver bien de ne pas danser avec une personne de lâautre sexe sans lien de parentĂ© avec lui. Voyez donc ce que la danse est, Ă la base. Quels sont ses mouvements ? Quelle est son origine ? Comment a-ât-âelle Ă©voluĂ© ? Que disent les gens, les moyens dâinformation Ă son sujet ? Quelle est sa renommĂ©e dans la communautĂ© ? Si vous la dansiez, quel en serait lâeffet sur les spectateurs ? Quand il y a lieu de douter de la biensĂ©ance dâune conduite Ă suivre, comme nous serons heureux si nous nous conduisons de maniĂšre Ă Ă©difier nos frĂšres et Ă Ă©viter dâĂȘtre pour les nouveaux une occasion de chute. â Lâamour Ă©difie. â â I Cor. 81, Da. Bien que le choix du divertissement soit une question personnelle, un chrĂ©tien mĂ»r nâinsistera pas sur ses â droits â sous ce rapport quand ce choix troublera la conscience dâun compagnon chrĂ©tien ou sera une occasion de chute pour les nouveaux. â Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; mais pensez plutĂŽt Ă ne rien faire qui soit pour votre frĂšre une pierre dâachoppement ou une occasion de chute. â Que chacun use dâun esprit sain ; que chacun cherche lâintĂ©rĂȘt dâautrui. Que chacun se conduise comme sâil se trouvait en prĂ©sence du Seigneur JĂ©sus-Christ et du Dieu saint, JĂ©hovah. â Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu. â â Rom. 1413 ; I Cor. 1031. RĂFĂRENCES 1 New York Times, du 19 octobre 1961. 2 Life, du 24 novembre 1961. 3 Time, du 20 octobre 1961. 4 New York Times Magazine, du 3 dĂ©cembre 1961. 5 New York Times, du 4 janvier 1962. 6 Newsweek, du 4 dĂ©cembre 1961. 7 New York Times, du 15 novembre 1961. 8 Ibid., Ă©dition du 21 octobre 1961. 9 New York Times magazine, du 17 dĂ©cembre 1961.